Henchir Besseriani

Les ruines situées au lieu-dit actuel Henchir Besseriani à 5 km au Sud de l’oasis de Négrine, sur le piémont saharien du massif des Nemencha, sont celles d’un camp romain entouré d’une agglomération. Le camp fut construit en 104 ou 105, par Minicius Natalis légat propréteur de la IIIe Légion Auguste sous le règne de Trajan (C.I.L., VIII, 2478-2479=17969-17971 ; Le Bohec, 1988, p. 369, n. 27, pp. 376, 430-433).

2Ces ruines correspondent à la mention d’Ad Majores par la Table de Peutinger (IV, 1-5) sur la route frontière se dirigeant vers Thabudeos par Ad Medias et Badias (Badès). Des milliaires posés sur cet axe sous le même légat confirment la prise de contrôle par l’armée romaine de ces confins sahariens dans les premières années du premiers siècle ap. J.-C.

3Le Djebel Madjour qui domine le site, a conservé le nom antique Ad Majores. Par ailleurs, dans celui de Négrine survit l’éthnique ancien Nigrenses, qui est connu par une brique de Palerme (C.I.L. X, 10962), où il est question des magasins des Nigrenses Majores (sur un domaine dépendant de Minicius Natalis). Le titre d’un évêque plebis Nigrenses Majorum, est cité à la conférence de Carthage de 411 (Man-douze, 1982, p. 653). On peut légitimement rapprocher de cet éthnique et du Djebel Madjour, le nions nomine Niger, atteint dans cette même région par une colonne de Cornélius Balbus en 19 av. J.-C. (Pline l’Ancien, V, 37 : éd. Desanges, p. 63). Cette montagne caractéristique pour qui l’aborde en venant du Bas Sahara, aurait plus tard, servi d’éponyme au limes Montensis, secteur de la frontière d’Afrique mentionné par la Notitia Dignitatum Oc, (XXV, 3, 5, 21, 23, éd. Seeck, pp. 174-175), entre le limes Thamallensis, secteur de Telmine dans le Nefzaoua et le limes Bazensis, secteur de Badès (Baradez, 1949, pp. 143-144, 147). L’implantation militaire d’Ad Majores, relayée ou non par les castra (N ?)eptitina (Nefta) du Jérid, était bien placée, à un carrefour de pistes au débouché du couloir de Bir el Ater, pour surveiller efficacement les déplacements saisonniers dans la zone de contact, intensément irriguée à l’époque antique, entre la montagne et le Bas Sahara.

4Le camp de cohorte, d’un type classique, avait un mur d’enceinte aux angles arrondis et était percé de quatre portes où ont été trouvées les inscriptions de dédicace. L’entrée principale se trouvait au Sud. Le rempart avait 1 m d’épaisseur et mesurait environ 130×80 m (et non 170×100 comme il a été écrit dans les publications anciennes, cf. Le Bohec, 1988, p. 430). De même, les bastions d’angle décrits par les auteurs comme des remaniements de basse époque, ne sont guère apparents sur les clichés aériens (Baradez, p. 118). Des thermes ont été repérés à l’intérieur du camp, au Sud-Est.

5Une brique estampillée révèle la présence, dans la garnison, de la IIe Cohorte d’Espagnols intervenue peut-être en renfort et qui a pu jouer un rôle dans le développement de l’agglomération autour du camp (Le Bohec, 1988, p. 432 ; 1989, pp. 84-85, 171). En effet, une ville elle-même ceinte d’un rempart, a enveloppé ultérieurement le camp et elle avait le rang de municipe dans la seconde moitié du iiie siècle (Lepelley, 1981, p. 29) : deux inscriptions du temps de Dioclétien et de Maximien (C.I.L. VIII, 2480= 17970 ; 2481), évoquent un tremblement de terre survenu vingt ans auparavant et à la suite duquel deux duumvirs du municipe avaient promis de reconstruire à leurs frais un arc de triomphe. Cette reconstruction qui ne sera effectuée que sous Dioclétien, témoigne de l’effort édilitaire accompli en Afrique à cet époque, sous la responsabilité, en l’occurrence, du gouverneur Flavius Flavianus et d’un curateur reip(ublicae) gérant les finances de la cité.

Les vestiges de deux arcs sont effectivement signalés dans les descriptions anciennes du site, les uns près de la porte ouest du camp, les autres près d’une des portes de la ville, où avaient été découvertes respectivement les deux inscriptions. L’enceinte urbaine, de 1800 m de périmètre, flanquée de nombreuses tours, aurait été faite à une basse époque, peut-être par les Byzantins (Cagnat, 1913, p. 565, n. 2), mais plus vraisemblablement à l’époque de la reconstruction des arcs, comme semble le suggérer Gsell (A.A.A., f° 50, n° 152, p. 6). Un autre ouvrage de défense attribué aux Byzantins, se trouverait plus au Nord (Guéneau, 1907, p. 323), mais tous ces renseignements n’ont pas été confirmés.

7En revanche, la découverte, près de l’oasis de Négrine, d’un ostrakon byzantin où il est question d’un olearius arcarius — c’est-à-dire d’un contrôleur fiscal pour l’huile — apporte la preuve décisive du retour sous l’administration impériale de ces régions présahariennes (Albertini, 1932, p. 53-62). De même, les cinq ostraka trouvés plus récemment près de Bir Trouch et qui mentionnent, entres autres, des redevances en orge sous le règne de Gunthamund, attestent que l’autorité vandale s’était étendue jusqu’au Sud des Nemencha (A.E., 1967, pp. 588-592 ; Bonnal-Février, 1967, pp. 239-249). Comme les Tablettes Albertini contemporaines plus au Nord, ces documents tardifs témoignent du maintien d’un effort d’administration que pouvait justifier une richesse agricole liée à la fois aux sources pérennes des oasis et aux aménagements hydrauliques de l’antiquité dans la zone de piémont (Baradez, 1949, p. 205).

8Une autre découverte attestait la romanisation des élites sociales de la cité berbère présaharienne des Nigrenses : celle d’une villa située à un kilomètre au Nord de l’oasis de Négrine. On y voyait des mosaïques, aujourd’hui disparues, l’une à décor de feuillages dans un arrangement géométrique avec une inscription où se lisait le nom Flavorium, l’autre faite de motifs géométriques, avec, au centre, une inscription versifiée (Marcillet-Jaubert, 1976, p. 9).

Henchir Besseriani sur carte MAP

Sources

Texte : Openedition